Pourrait-on imaginer le Midi de la France sans ses vignobles ? Cela semble difficile tant la viticulture est ancrée au sein de ce territoire depuis plus de 2000 ans. Si les Grecs de Marseille sont à l’origine des premières plantations dans la région, cette activité agricole prend réellement son essor à la fin du Ier s. av. J.-C. Elle est en effet encouragée par l’accroissement de la demande en vin des armées stationnées sur les frontières de l’Empire, des centres de consommation du nord de la Gaule et surtout de ceux de Méditerranée, au premier rang desquels Rome. Partout dans la province, les marchands vont ainsi solliciter les propriétaires terriens, vétérans italiens installés dans le nouvelles colonies et aristocrates gaulois, afin de pouvoir alimenter ces marchés. Ceux-ci vont naturellement répondre favorablement à cette requête en raison du caractère très lucratif de ce trafic.
La basse vallée du Rhône n’échappe pas à ce phénomène. Bien au contraire, le fleuve qui la traverse constitue l’une des principales artères commerciales du monde romain. Sa présence rend de ce fait encore plus rentable la production de vin dans les domaines de ce secteur. Cette place prédominante est parfaitement illustrée par les amphores vinaires de Narbonnaise qui constituent le principal vecteur du commerce du vin régional. La mise en perspective des fouilles conduites dans le port d’Arles, ses avant-ports et le long de la costière de Nîmes d’une part et des études menées dans les centres de consommation de l’Empire d’autre part illustrent parfaitement que l’essentiel du vin exporté à longue distance provient des domaines viticoles bas-rhodaniens. Celui-ci est conditionné dans des amphores fabriquées dans le quartier portuaire de Trinquetaille , les ateliers péri-urbains localisés dans les villes portuaires voisines, mais aussi dans les villas.
L’étude des dépotoirs portuaires subaquatiques montre en outre que le port d'Arles constitue un centre de redistribution majeur du vin de la côte provençale, de la moyenne vallée du Rhône et du Languedoc. Elle apporte de surcroît de précieuses données sur les acteurs de ce trafic du vin régional. Les estampilles imprimées sur les conteneurs vinaires renseignent en effet le nom de citoyens, propriétaires terriens ou non, qui font fabriquer ces amphores par des équipes de potiers stationnées dans un atelier ou qui se déplacent en fonction des commandes. En parallèle les fouilles archéologiques conduites sur la villa du Mas des Tourelles à Beaucaire mettent en lumière le rôle primordial de la viticulture dans l'évolution des exploitations rurales de la basse vallée du Rhône de l'époque romaine.