Eva Raynal - Maître de conférences des Universités / MCU
Aucun corps en Europe n'a été plus marqué par l'Histoire que celui des camps de concentration et des centres de mise à mort. De 1933, date de l'ouverture du premier camp de concentration nazi, à 1945, date de la libération des derniers Lagers, environ 40 000 œuvres d'art concentrationnaire ont été créées pendant l'enfermement. Face à l'anéantissement, il a existé en ces lieux des productions de déportés que l’on peut considérer bien sûr comme ayant une portée testimoniale, mais s’inscrivant dans nombre de cas également dans une démarche esthétique. Cet art officieux et clandestin fixe sur des supports précaires la violence concentrationnaire, et nous, public contemporain, avons pu avoir accès après-guerre à certaines de ces oeuvres. L’objet principal de ces dernières est le corps. Pas n’importe quel corps : celui du et de la déporté, réalisé au moment même de la détention, en s’accommodant pour celui ou celle qui crée du matériel trouvé et en s’adaptant aux aléas de l’espace donné. De ces corps en situation, il se dégage une violence colossale, permanente, incontournable, et il s'agira de montrer comment ceux-ci impactent durablement l'histoire de l'art occidental.